Le meilleur de la cuisine indienne se savoure souvent dans les foyers, où les plats reflètent une richesse et une authenticité parfois absentes des restaurants. Ceux qui se limitent à la cuisine de restaurant pourraient conclure à tort qu’elle est uniformément trop épicée, grasse ou manque de variété. En réalité, peu de restaurants proposent l’ensemble des plats régionaux, qui varient considérablement d’une région à l’autre. Pour explorer pleinement la diversité de la cuisine indienne, il est idéal de tisser des liens avec des locaux et d’accepter leurs invitations à dîner, où l’on découvre des recettes traditionnelles et des saveurs uniques.
Épices indiennes
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Lorsqu’on découvre la cuisine indienne, surtout en début de voyage, certains plats peuvent sembler très pimentés, notamment en raison de l’utilisation de piments rouges ou verts dans certaines régions. Si un plat est trop relevé, vous pourriez ressentir une sensation de brûlure, des yeux larmoyants ou une transpiration accrue. Pour éviter cela, n’hésitez pas à préciser au serveur, lors de votre commande, de réduire les piments (chillies) ou de préparer un plat moins épicé. Contrairement à une idée répandue, boire de l’eau, de la bière ou des boissons gazeuses n’atténue pas la sensation de piquant, mais peut l’aggraver. Privilégiez plutôt du yaourt (dahi), qui apaise la langue, ou des aliments comme le riz, la banane ou la noix de coco râpée, qui tempèrent la chaleur.
Le terme curry, popularisé par les Britanniques, dérive du mot tamoul kari, qui désigne un plat en sauce préparé avec des épices. En Inde, ce terme n’est pas couramment utilisé ; chaque plat porte un nom spécifique, comme rogan josh, vindaloo ou korma. Ce qu’on appelle "poudre de curry" en Occident n’existe pas traditionnellement en Inde, où les cuisiniers privilégient les masalas, des mélanges d’épices frais ou secs adaptés à chaque recette. Ces masalas sont souvent préparés sur le moment avec des ingrédients rôtis et moulus, bien que des mélanges prêts à l’emploi, comme le garam masala, le chaat masala ou le sambhar masala, soient également populaires. Un masala peut contenir de cinq à quinze épices, voire plus, selon le plat.
Les cuisines indiennes font appel à une vaste gamme d’épices et d’herbes, dont le nombre et la combinaison varient selon les régions et les traditions. Parmi les plus courantes, on trouve le cumin (jeera), le curcuma (haldi), la coriandre (dhania), le clou de girofle, la cardamome, les graines de moutarde (rai), l’assa-fœtida (hing) et le piment séché. Chaque cuisinier ajuste ces ingrédients pour créer des saveurs uniques, faisant de la cuisine indienne un art d’une grande diversité.
Dans le nord de l’Inde, le pain est un aliment de base, tandis que le riz prédomine dans le sud. La cuisine indienne offre une grande variété de pains sans levain, préparés à partir de farines de blé, de maïs ou de millet, utilisés seuls ou en combinaison. Ces pains sont cuits au four, sur une plaque (tawa) ou frits. Le chapati, une galette simple faite de farine de blé pétrie avec de l’eau, est consommé dans tout le pays. Le rumali roti, préparé avec de la farine blanche, est une galette très fine, presque translucide. Avec de la farine de maïs, on obtient le makki ki roti, typique du Pendjab, et avec du millet, le bajra ki roti. Parmi les autres pains populaires, on trouve le paratha, enrichi de ghee (beurre clarifié) et souvent fourré de légumes ou de paneer, le puri, un pain frit gonflé, et le phulka, léger et légèrement gonflé. Le naan, cuit traditionnellement dans un four en argile (tandoor), est particulièrement apprécié des visiteurs étrangers pour sa texture moelleuse.
Byriani
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Dans les régions plus froides, comme l’Himachal Pradesh ou le Cachemire, la viande (à l’exception du bœuf, rarement consommé en raison de considérations religieuses) est davantage présente, même dans certaines communautés traditionnellement végétariennes, comme chez certains Cachemiri Pandits. L’agneau et le mouton sont particulièrement populaires et préparés selon diverses techniques. Par exemple, le do pyaza est un plat d’agneau cuit avec une grande quantité d’oignons, tandis que le shahi korma est préparé avec du yaourt, des amandes et des épices, offrant une texture crémeuse et riche.
L’héritage moghol a profondément marqué la cuisine du nord de l’Inde, avec des plats riches en crème, noix, yaourt, raisins secs et safran. Parmi les exemples emblématiques, on trouve le biryani, un plat de riz parfumé cuit avec des épices, de la viande ou des légumes, et le navratan korma, un curry raffiné à base de légumes, de fruits secs et de paneer, souvent agrémenté de crème ou de noix de cajou. Ces plats, sophistiqués et savoureux, témoignent de l’influence moghole sur la gastronomie indienne, particulièrement dans les régions du nord et dans les cuisines royales.
Naan dans le tandoor
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Le tandoor est un four cylindrique en argile, traditionnellement encastré dans le sol ou posé sur une base, chauffé par un feu de bois ou de charbon à l’intérieur. Il est utilisé pour cuire une variété de viandes et de pains, offrant une saveur unique grâce à la chaleur intense et à la cuisson par convection. Les viandes, comme le poulet, l’agneau ou le poisson, sont généralement marinées dans un mélange de yaourt et d’épices avant d’être embrochées et cuites. Parmi les plats les plus populaires, on trouve le poulet tandoori, les kebabs (brochettes de viande hachée ou en morceaux) et les tikkas (morceaux de viande ou de paneer marinés).
Le naan est le pain le plus emblématique cuit au tandoor. Préparé à partir de farine blanche, il est légèrement levé avec de la levure ou un agent levant, puis appliqué contre les parois chaudes du four, ce qui lui donne une texture moelleuse et légèrement croustillante. Le roti, bien que plus souvent cuit sur une plaque (tawa), peut également être préparé au tandoor dans certains restaurants, notamment sous forme de tandoori roti. Ce dernier est fait de farine de blé entier (atta) et est sans levain, contrairement au naan. Ces pains sont déchirés à la main droite pour accompagner les plats en sauce ou les viandes tandoori.
Les fours tandoor sont souvent installés dans les cuisines des restaurants ou des foyers, parfois à l’extérieur dans les établissements traditionnels ou les zones rurales, permettant d’observer la dextérité des cuisiniers qui façonnent et cuisent le pain avec rapidité. Dans les restaurants indiens, les plats tandoori, servis avec des accompagnements comme des chutneys ou des légumes grillés, sont disponibles à tout moment de la journée, bien qu’ils soient particulièrement appréciés lors des repas du soir pour leur caractère festif.
Le chai, un thé au lait sucré, est l’une des boissons les plus appréciées en Inde, dans le nord comme dans le sud. Préparé en faisant bouillir des feuilles de thé avec du lait, du sucre et souvent des épices comme le clou de girofle, la cardamome, le gingembre ou la cannelle (dans sa version masala chai), il offre une saveur riche et réconfortante. Consommé à toute heure de la journée, le chai accompagne agréablement les repas ou sert de pause conviviale dans les foyers, les échoppes ou les gares.
Le lassi, une boisson à base de yaourt, est également très populaire. Servi nature, salé (namkeen lassi), sucré ou épicé, il peut être aromatisé avec des ingrédients comme l’eau de rose, la mangue, le citron ou d’autres fruits. Cette boisson rafraîchissante est souvent consommée pour apaiser la chaleur des plats épicés, que ce soit pendant ou après un repas.
Une variante particulière, le bhang lassi, contient du bhang, une préparation à base de feuilles et de fleurs de cannabis, qui produit des effets psychoactifs. Autorisé dans certains contextes religieux et culturels, notamment pendant la fête de Holi ou dans des villes comme Varanasi, le bhang est réglementé et son usage est limité à des occasions spécifiques. Très apprécié dans des régions comme le Rajasthan ou l’Uttar Pradesh, il est souvent vendu par des échoppes spécialisées lors des célébrations.
vada (beignet) idli (en blanc) masala dosa et accompagnements
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Dans le sud de l’Inde, le riz est l’élément central de presque tous les repas, souvent consommé au petit déjeuner, au déjeuner et au dîner. Chaque région privilégie des variétés spécifiques, adaptées à des plats particuliers. Au Kerala, par exemple, le riz rouge ou brun (matta), connu pour sa texture robuste et sa saveur légèrement noisette, est populaire. Pour le puttu, un petit déjeuner traditionnel cuit à la vapeur, on utilise généralement de la farine de riz blanc ou, dans certains cas, de riz matta, façonnée en cylindres et souvent accompagnée de noix de coco râpée ou de curry.
Les boutiques spécialisées proposent une impressionnante diversité de riz, parfois jusqu’à 30 variétés, différant par leur taille, leur texture et leur usage culinaire. Dans le sud et l’est, les variétés à grains courts, plus amylacées, comme le sona masuri ou le riz de Nellore, sont appréciées pour leur texture collante, idéale pour des plats comme le pongal. Dans le nord, on préfère les variétés à grains longs, comme le basmati, qui restent légères, duveteuses et séparées après cuisson. Le basmati, cultivé principalement dans le Pendjab, l’Haryana ou l’Uttarakhand (notamment les variétés de Patna ou Dehradun), est prisé pour son arôme délicat de noisette et son coût élevé, bien qu’il soit moins courant dans la cuisine quotidienne du sud, où des variétés locales dominent.
Certaines variétés de riz, comme le riz parboiled ou à grains courts, sont particulièrement adaptées à la préparation de plats fermentés emblématiques du sud, tels que le dosa, l’idli et le vada. Pour le dosa, une crêpe fine et croustillante, le riz (souvent mélangé à des lentilles urad dal) est trempé séparément, puis broyé en une pâte lisse qui fermente pendant plusieurs heures. Cette pâte est ensuite étalée sur une plaque chaude (tawa) pour obtenir le dosa. Le masala dosa est garni d’un mélange d’oignons, de pommes de terre et d’épices, tandis que le paper dosa est une version ultra-fine et croustillante. La même pâte, cuite à la vapeur en petits disques moelleux, donne l’idli, un accompagnement léger et spongieux. Lorsqu’elle est façonnée en beignets et frite, elle devient le vada, croquant à l’extérieur et moelleux à l’intérieur. Les variations de ces plats sont infinies, avec des garnitures, des chutneys et des sambhars qui diffèrent d’une région à l’autre. Dans le sud, des festivals dédiés au dosa mettent en avant la créativité des chefs, qui rivalisent d’inventivité pour proposer des versions originales.
Le thali est un plateau, généralement en acier inoxydable, parfois en cuivre ou en argent dans des contextes plus festifs, doté d’une bordure et accompagné de petits bols appelés katoris. Le terme thali désigne à la fois le plateau et l’assortiment de plats qu’il contient. Au centre, on dispose souvent du riz et du pain (comme le chapati ou le puri), entourés de katoris remplis de diverses préparations. La cuisine indienne valorise l’équilibre des six saveurs (shad rasa : sucré, aigre, salé, piquant, amer, âpre), et un thali bien conçu cherche souvent à les intégrer, bien que cela ne soit pas systématique.
Le thali peut être végétarien ou non végétarien, selon les régions et les préférences. Très populaire dans le sud de l’Inde, il est également répandu au nord, notamment au Gujarat, où l’on inclut souvent un kadhi, un plat crémeux à base de yaourt et de farine de pois chiche. Dans les restaurants, un thali comprend généralement une sucrerie (comme un gulab jamun ou un halwa), qui peut être dégustée en début de repas, notamment au Gujarat, pour équilibrer les saveurs, ou à tout moment selon les traditions locales. Les katoris contiennent typiquement un dhal (soupe de lentilles), un légume cuit sans sauce, un curry de légumes, un pachadi (salade de légumes crus ou marinés) et du yaourt.
Dans le sud, le thali est parfois servi sur une feuille de bananier, avec le riz au centre et les accompagnements disposés autour, parfois dans des katoris ou directement sur la feuille. Cette présentation, courante dans les foyers et certains restaurants, est pratique, car la feuille de bananier est compostable, réduisant le besoin de vaisselle. Dans de nombreux restaurants, les thalis suivent une formule « à volonté » : des serveurs attentifs circulent pour remplir les katoris et renouveler le riz ou le pain au fur et à mesure. Les thalis sont servis à tout moment de la journée, bien qu’ils soient particulièrement populaires pour le déjeuner ou le dîner.
comptoir de paan
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En fin de repas, la tradition dans certaines régions de l’Inde veut que l’on propose du paan, une préparation à base de feuilles de bétel (Piper betle), distinctes de la noix d’arec (Areca catechu), souvent appelée à tort noix de bétel. Les feuilles sont garnies d’un mélange d’ingrédients, comme de la noix d’arec râpée, de la chaux comestible, du kattha (extrait d’acacia), des épices (cardamome, clou de girofle) et parfois des pétales de rose ou du sucre pour une version sucrée (meetha paan). Mâché lentement, le paan libère des arômes complexes et est réputé faciliter la digestion. Certaines variantes, notamment celles contenant de la noix d’arec ou du tabac, peuvent être addictives et avoir des effets sur la santé buccale, mais un meetha paan sans tabac, souvent avalé, est considéré comme plus léger. La chaux ou le kattha peut laisser une teinte rougeâtre sur les lèvres ou les dents, selon la préparation.
Dans les restaurants, il est plus courant de recevoir, en fin de repas, un petit bol de mukhawas, un mélange de graines de fenouil enrobées de sucre (saunf), parfois agrémenté d’autres épices, de graines de coriandre ou de petites confiseries. Ce mélange, servi comme rafraîchisseur d’haleine, laisse une saveur douce et agréable en bouche, souvent avec des notes anisées.
Gulab jamun
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Les desserts indiens, souvent appelés mithai, sont fréquemment préparés à partir de lait réduit ou caillé, donnant des textures riches et crémeuses. Beaucoup se présentent sous forme de confiseries denses, comme des caramels, agrémentées de noix (amandes, pistaches, noix de cajou) et de fruits secs. Certains desserts festifs, comme le gulab jamun ou le barfi, sont décorés de feuilles d’argent comestibles (varq), ajoutant une touche élégante, bien que les feuilles d’or soient rarement utilisées. Aux palais non habitués, ces desserts peuvent sembler très sucrés ou riches, mais leur diversité offre des options pour tous les goûts.
Parmi les desserts emblématiques, le kheer (nord de l’Inde) ou payasam (sud de l’Inde) est un pudding crémeux à base de riz, de lait et de sucre, souvent parfumé de cardamome, de safran ou de fruits secs. Une variante utilise des vermicelles (semiya payasam), mais elle est moins courante. Le ras malai, composé de boulettes de paneer trempées dans un sirop de lait aromatisé, et le sandesh du Bengale, une confiserie à base de chhena (fromage frais) à la texture douce ou granuleuse, sont appréciés pour leur finesse, bien que leur richesse puisse surprendre.
Le kulfi, une crème glacée dense à base de lait réduit, parfumée à la pistache, à la mangue ou au safran, est populaire dans toute l’Inde, pas seulement au nord. Kolkata, célèbre pour ses desserts à base de lait, est le berceau du rasgulla (boulettes de chhena dans un sirop sucré) et du sandesh. Parmi les desserts les plus répandus, le gulab jamun se distingue : ces boulettes, préparées à partir de khoya (lait épaissi) ou de lait en poudre, sont frites puis imbibées d’un sirop parfumé à la rose ou à la cardamome. D’autres desserts, comme le jalebi ou le ladoo, sont tout aussi populaires selon les régions et les occasions.
Le bhelpuri est une collation emblématique de Mumbai, adorée par ses habitants. Ce mélange savoureux combine du riz soufflé (puffed rice), du sev (fines vermicelles croustillantes à base de farine de pois chiche), des morceaux de puri (pain frit), des pommes de terre bouillies en dés, des oignons crus émincés, de la coriandre fraîche et des chutneys (souvent un chutney piquant à la tamarin et un autre à la menthe ou à la coriandre). Servi dans un bol, un cône en papier ou une assiette, le bhelpuri est mélangé sur mesure par le vendeur selon les préférences du client. Les puris brisés ajoutent du croquant, mais le mélange n’est pas farci dans un puri gonflé, contrairement au pani puri. Cette collation légère et épicée incarne l’esprit vibrant de la street food de Mumbai.
À Delhi et dans d’autres villes indiennes, le chaat est une collation irrésistible qui attire les foules devant les stands des chaat-walas (vendeurs de chaat). Ce terme générique désigne une variété de plats salés, épicés et souvent acidulés, servis sur des assiettes, dans des cônes en papier ou sur de petits disques de pâte frite appelés papdis. Le chaat froid, comme le bhelpuri ou le pani puri (petits puris remplis d’eau épicée), inclut des ingrédients frais tels que des tomates, des oignons, des pois chiches ou des fruits (comme dans le fruit chaat), agrémentés de chutneys et d’un mélange d’épices (chaat masala). Le chaat chaud, comme l’aloo tikki (galettes de pommes de terre frites), est souvent garni de yaourt, de chutneys, de coriandre ou de menthe fraîche. Chaque chaat-wala a sa recette secrète d’épices, ce qui fait la renommée de son stand. Cette diversité fait du chaat une expérience culinaire incontournable.