Temple du soleil à Konarak
photo Rita Wilaert
Au nord de l’Inde, à la fin du VIe siècle, l’empire Gupta, divisé et affaibli, sombre dans le chaos. Vers l’an 500, une grande partie de l’empire avait été envahie par les Huns blancs (Hephthalites). De petits royaumes se disputent alors les territoires jusqu’aux premières invasions musulmanes, qui débutent véritablement au début du VIIIe siècle avec la conquête du Sind par les Omeyyades, et s’intensifient vers l’an mille avec les raids de Mahmud de Ghazni. La présence étrangère, principalement musulmane, persiste dans le nord de l’Inde pendant plusieurs siècles, et le pays ne retrouve son indépendance complète qu’en 1947, au milieu du XXe siècle.
À cette époque, plusieurs dynasties hindoues créent des chefs-d’œuvre sculpturaux. En Odisha, les villes de Bhubaneswar, Puri et Konark forment un « triangle d’or » renommé pour ses temples. Pendant la période Maurya (IVe–IIe siècle avant J.-C.), l’Odisha faisait partie du royaume Kalinga, qui fut conquis par l’empereur Ashoka après une guerre sanglante. Ce royaume a donné naissance à l’architecture Kalinga, caractéristique des temples de la région. À Bhubaneswar, surnommée la « cité des temples », le temple de Lingaraja, dédié à Shiva et construit par la dynastie Somavamsi (aussi appelé Keshasri) vers le XIe siècle, est particulièrement spectaculaire. Culminant à environ 55 m, ce temple est entouré d’une enceinte contenant une cinquantaine de sanctuaires secondaires, ornés d’une profusion de sculptures.
Le temple de Jagannath, dédié à Krishna, à Puri, est l’un des plus importants centres de pèlerinage hindou. Il est célèbre pour son festival Ratha Yatra (festival des chars). Construit entre le XIe et le XIIe siècle par la dynastie Ganga orientale, il s’étend sur environ 4 hectares et comprend plusieurs sanctuaires à l’intérieur de son enceinte fortifiée. Les non-hindous ne peuvent pas entrer dans le temple, contrairement au temple de Lingaraja, qui est parfois accessible sous restrictions.
Le temple de Surya, ou temple du Soleil, situé à Konark (ou Konarak), à 35 km de Puri, fut construit au XIIIe siècle par la dynastie Ganga orientale. Ce chef-d’œuvre architectural, conçu comme un chariot géant pour le dieu Surya, est porté par 12 paires de roues (symbolisant les 12 mois) et tiré par sept chevaux (représentant les 7 jours de la semaine). Ce temple, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, est célèbre pour ses sculptures détaillées et son style grandiose. Le culte solaire, bien que rare en Inde, y était central. L’Odisha est également connue pour son rôle de centre tantrique, comme en témoignent les sculptures érotiques et spirituelles de ses temples.
À l’ouest, dans l’État du Madhya Pradesh, la dynastie Chandela édifie les temples de Khajuraho entre le Xe et le XIIe siècle. Ce complexe, également inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, comptait à l’origine environ 85 temples, dont 22 subsistent aujourd’hui. Renommé pour ses sculptures érotiques, il illustre la quintessence de l’art nagara indien. Outre les scènes érotiques, interprétées dans le contexte du tantrisme et de la philosophie yogique, les temples représentent des divinités hindoues, des apsaras (danseuses célestes), des guerriers et des animaux.
Les temples jaïns
Palitana, centre de pélerinage jaïn
photo Amre Ghiba-Le Batteur de Lune
La période médiévale est une époque faste pour la construction des temples jaïns, particulièrement dans l’ouest de l’Inde, au Gujarat et au Rajasthan. Nous mentionnons ici trois des plus célèbres tirthas (lieux de pèlerinage jaïn). Les temples de Dilwara, situés à Mount Abu (Rajasthan), érigés entre le XIe et le XIIIe siècle, sont mondialement réputés pour leur utilisation exceptionnelle du marbre. Plafonds, portes, murs et piliers sont ciselés dans ce matériau avec une finesse comparable à de la dentelle. De nombreux observateurs considèrent que nul autre site jaïn n’égale la perfection architecturale des temples de Dilwara.
Le tirtha le plus sacré du jaïnisme se trouve à Palitana, au Gujarat. Situé au sommet de la colline Shatrunjaya, accessible par l’ascension d’environ 3 500 marches (environ 1 h 30 à 2 h), ce site regroupe plus de 863 temples jaïns taillés dans le marbre. Leur construction a débuté au XIe siècle et s’est prolongée sur plusieurs siècles. Ce lieu est d’une beauté spectaculaire et constitue un centre majeur de pèlerinage. Enfin, au sud, dans le Karnataka, le site de Shravanabelagola abrite une statue monumentale de 17,5 m de haut, sculptée dans un monolithe de granit, représentant Bahubali (aussi appelé Gommateshwara), fils du premier tirthankara jaïn, Rishabhanatha. Tous les douze ans, ce site accueille la grande fête de Mahamastakabhisheka, attirant des millions de pèlerins pour une cérémonie spectaculaire.
Temple Hoysala à Somnathpur
photo Geoprimary
La dynastie Hoysala, qui émergea dans l’actuel Karnataka, régna depuis sa capitale initiale, Belur, du XIe au XIVe siècle. D’abord vassaux des Chalukya occidentaux, les Hoysala établirent leur propre empire vers le XIIe siècle et se distinguèrent comme de prolifiques bâtisseurs. Leur architecture, un amalgame des styles dravidien et indo-aryen (nagara), se caractérise par des temples aux plans stellaires, des mandapas (salles à colonnes soutenant un plafond richement sculpté) et des linteaux ornés de motifs complexes à l’entrée. Les mandapas, souvent la partie la plus spacieuse du temple, présentent des plafonds décorés de figures de la mythologie hindoue. Le treillage ajouré est une autre caractéristique récurrente des temples Hoysala. Le vimana, sanctuaire abritant la divinité tutélaire, est surmonté d’une tour élancée. Les murs extérieurs, sculptés avec une précision remarquable, illustrent des épisodes du Ramayana et du Mahabharata, ainsi que des scènes érotiques dans les niches et recoins. Les temples les plus emblématiques de cette dynastie se trouvent à Belur (temple de Chennakeshava), Halebidu (temple de Hoysaleshwara) et Somnathpur (temple de Keshava).
Au Tamil Nadu, la dynastie Chola, qui succéda aux Pallava, régna du IXe au XIIIe siècle. Elle laissa un héritage durable grâce à son soutien à la littérature tamoule et à son engagement dans la construction de temples monumentaux. Les Chola instaurèrent une forme centralisée de gouvernement, soutenue par une bureaucratie disciplinée, et firent des temples des centres d’activités religieuses, économiques et sociales. Construits selon les principes du Vastu Shastra et généralement dédiés à Shiva ou Vishnu, les temples Chola se distinguent par leurs imposants gopurams (portes d’entrée pyramidales richement sculptées de divinités et figures mythologiques), leurs élégants vimanas (tours surmontant le sanctuaire principal) et leurs spacieux mandapas (salles à colonnes).
Une autre caractéristique emblématique de l’art Chola est la sculpture en bronze, notamment les statuettes de divinités, comme celles de Shiva Nataraja (le roi de la danse). Ces œuvres, d’une beauté exquise, se distinguent par des expressions faciales expressives, des postures gracieuses et une représentation dynamique du mouvement. Plusieurs de ces bronzes peuvent être admirés au musée du palais de Thanjavur, situé à proximité du temple Brihadisvara, l’un des chefs-d’œuvre architecturaux de la dynastie Chola, construit sous le règne de Rajaraja I au XIe siècle.
Parvati, bronze Chola
photo Thiago"TH"
L’empire Vijayanagara régna sur le Deccan de 1336 à 1646, soit environ trois siècles, bien que son pouvoir ait fortement décliné après la bataille de Talikota en 1565, face aux sultanats du Deccan. Sa capitale, Vijayanagara, située près de l’actuelle Hampi (inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO), donna son nom à l’empire. Cet empire laissa un riche héritage architectural dans toute l’Inde du Sud.
Les monuments de l’empire Vijayanagara reflètent un style hybride, intégrant des éléments des architectures Chalukya, Hoysala, Pandya et Chola, qui évolua avec le temps vers un style distinct, appelé style Vijayanagara. Contrairement aux temples des siècles précédents, souvent construits en schiste ou en stéatite (pierre savon), ceux de Vijayanagara utilisaient principalement du granit, un matériau plus dur et durable. Les temples étaient entourés d’enceintes fortifiées et comprenaient, avec des variantes, le garbhagriha (sanctuaire de la divinité), le sukhanasi (antichambre), le navaranga (vestibule), le mandapa (salle à colonnes) et le rangamandapa (salle de piliers fermée). Les plus grands temples possédaient des gopurams, inspirés de l’architecture Chola, ornés de sculptures. Les piliers, finement sculptés, représentaient souvent des motifs mythologiques, des hippogriffes (chevaux ailés mythiques) ou des yalis (créatures composites), mesurant 2 à 3 m de haut. Des sculptures d’éléphants flanquaient fréquemment les entrées des temples.
Le temple Sri Ranganathaswamy à Tiruchirappalli (Trichy) illustre l’architecture Vijayanagara, bien qu’il ait été agrandi sous plusieurs dynasties. L’un des plus grands complexes religieux d’Inde, il s’étend sur environ 63 hectares (630 000 m²), est entouré de sept enceintes concentriques, compte 21 gopurams et abrite un mandapa aux mille piliers. Ce temple, dédié à Vishnu, reste un centre majeur de pèlerinage.