La croissance de la population indienne représentera le défi majeur de l’Inde au XXIe siècle. En effet, le bond démographique pourrait précipiter le pays en pleine crise au cours des prochaines décennies. Il suffit d’étaler quelques chiffres pour mesurer l’ampleur des problèmes qui attendent l’État indien.
En 2025, le nombre de citoyens indiens s’élève à environ 1,46 milliard d’habitants selon les estimations des Nations Unies. L’augmentation annuelle nette est d’environ 12,9 millions d’habitants, en tenant compte du taux de mortalité. Cela signifie que tous les 5 ans, il s’ajoute à l’Inde environ 64,5 millions de résidents, soit l’équivalent de la population de pays comme la France ou l’Italie.
Cet accroissement provoque d’énormes pressions sur les infrastructures du pays; construction d’écoles et logements déficitaires, engorgement des routes et des transports publics, pollution environnementale, épuisement des sols, etc. La pénurie d’eau représente déjà un problème majeur de grandes villes comme Delhi. La production d’électricité s’avère aussi nettement insuffisante, des pannes et arrêts planifiés se produisent tous les jours sur tout le territoire.
Delhi
photo Jack Zalium
Les programmes de régulation des naissances en Inde, bien qu’ayant connu des succès notables, n’ont pas pleinement atteint leurs objectifs ambitieux. Depuis les années 1950, les initiatives de planification familiale, combinant incitations et campagnes éducatives, ont réduit le taux de fécondité, mais la croissance démographique reste un défi majeur. Le taux de mortalité, en baisse grâce aux progrès médicaux, contribue à maintenir une croissance nette positive. En 2025, l’Inde
compte environ 1,46 milliard d’habitants, selon les estimations des Nations Unies, et a dépassé la Chine pour devenir le pays le plus peuplé du monde dès 2022. L’indice de fécondité est tombé à 1,94 enfant par femme (World Population Prospects 2024), contre 1,7 en Chine, 1,6 au Canada, et 1,8 en France. À ce rythme, la population indienne devrait culminer autour de 1,7 milliard en 2064, avant de décliner légèrement.
Dans les années 1980, un programme ambitieux du gouvernement visait à ralentir la croissance démographique pour atteindre 900 millions d’habitants en 2000 et stabiliser la population à 1,2 milliard en 2050. Cet objectif a été dépassé bien plus tôt, avec 1 milliard d’habitants atteint dès 1999 et 1,2 milliard en 2010. Aujourd’hui, les projections indiquent que la population continuera de croître jusqu’au milieu du siècle, malgré un taux de fécondité en baisse.
Les méthodes de limitation des naissances, basées sur la responsabilité individuelle, ont rencontré des obstacles culturels et sociaux. Bien que l’accès aux contraceptifs modernes (condoms, stérilets, pilules) se soit amélioré, avec un taux de prévalence contraceptive de 47,8 % selon la National Family Health Survey-5 (2019-2021), ces méthodes restent méconnues ou suscitent de la méfiance dans certaines communautés rurales. La stérilisation féminine demeure la méthode la plus courante, représentant la majorité des contraceptifs utilisés. Les normes culturelles hindoues valorisent souvent les familles avec au moins deux fils, perçus comme une source de fierté, une sécurité pour la vieillesse et une main-d’œuvre dès l’enfance. Bien que la mortalité infantile ait diminué (de 146 pour 1 000 naissances en 1970 à 28 en 2020), elle reste supérieure à celle des pays occidentaux, incitant certaines familles à avoir plus d’enfants par précaution. Les communautés musulmanes, représentant environ 14 % de la population, ont parfois résisté aux politiques de planification familiale, y voyant une menace à leur identité ou à leurs croyances, bien que cette opposition diminue avec l’urbanisation et l’éducation.
Projection de la croissance
graphique R.Meury
La pression démographique alimente une migration massive des zones rurales vers les villes, augmentant la population urbaine d’environ 40 % tous les 10 ans. En 1951, seulement 17 % de la population vivait dans des zones urbaines ; en 2025, cette proportion atteint 37,1 %, soit environ 542,7 millions de personnes (Worldometer 2025). Selon les projections des Nations Unies (World Population Prospects 2024), la population urbaine devrait atteindre 50 % d’ici 2040, soit environ 750 millions d’habitants. Cette urbanisation rapide surcharge les services municipaux, entraînant une congestion des transports, des pénuries d’eau et d’électricité, ainsi qu’un manque d’hôpitaux et d’écoles. Les grandes villes comme Delhi, Mumbai et Bangalore deviennent de plus en plus difficiles à vivre, marquées par le bruit, la pollution et l’effondrement des infrastructures. Les bidonvilles, où s’installent de nombreux migrants ruraux, abritent des micro-économies qui offrent souvent de meilleures opportunités que l’agriculture, où les paysans de basses castes gagnent parfois moins de 2 dollars par jour. Cependant, la beauté des campagnes indiennes contraste avec la dureté des conditions urbaines, poussant les observateurs à s’interroger sur les raisons de cette migration. La réponse réside dans l’épuisement des terres agricoles, incapables de nourrir une population croissante, et le manque d’emplois ruraux.