Mariage
photo The Falcon
Dans la société indienne traditionnelle, le père, en tant que chef de famille, porte la responsabilité d’arranger les mariages de ses enfants, en particulier de ses filles. Les textes anciens, tels que les Dharmashastras (datant du début de l’ère commune), prescrivent au père de trouver un conjoint pour sa fille dès sa puberté. Au Moyen Âge indien, négliger cette obligation pouvait entraîner de sévères sanctions sociales ou religieuses. Historiquement, les normes culturelles considéraient la femme comme ayant une nature sensuelle qu’il convenait de canaliser par un mariage précoce, afin d’éviter tout attachement sentimental hors du cadre conjugal. Ainsi, dans certains cas, des fillettes étaient promises dès l’âge de 8 ans, avec des mariages célébrés entre 10 et 15 ans.
Aujourd’hui, l’âge moyen du mariage pour les femmes est d’environ 22,2 ans (données de 2021, National Family Health Survey), variant entre 15 et 26 ans selon le milieu socio-économique, le lieu de résidence (urbain ou rural) et l’appartenance à une caste. Les familles aisées, notamment en milieu urbain, retardent souvent le mariage de leurs filles jusqu’à la fin de leurs études. Dans les communautés orthodoxes ou certaines zones rurales, des adolescentes peuvent encore être mariées peu après leurs premières règles, bien que cette pratique soit en déclin et illégale pour les moins de 19 ans depuis la réforme légale de 2022. Les hommes se marient généralement plus tard, avec un âge moyen de 26 ans. Bien que le célibat reste rare, il devient plus accepté dans les grandes villes, surtout parmi les jeunes générations.
Rituel de la cérémonie
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Le choix du conjoint résulte généralement d’un accord entre deux familles de même caste, de statut social et de ressources économiques comparables. Les mariages arrangés, orchestrés par les parents avec parfois l’aide d’un entremetteur (souvent un oncle ou une tante), restent la norme, bien que les mariages d’amour gagnent du terrain en milieu urbain. Les critères incluent un niveau d’éducation similaire, un statut familial équivalent, et une compatibilité astrologique, vérifiée par la comparaison des cartes astrales (kundali). Chez les hommes, les aînés sont souvent préférés aux cadets, tandis que, pour les femmes, une peau claire ou une silhouette jugée fertile (hanches larges) peuvent être valorisées dans certains contextes traditionnels. Les considérations romantiques sont secondaires : l’amour est perçu comme une affection qui se développera au fil du temps, renforcé par la vie commune et les responsabilités partagées. Le statut social du père de la mariée et sa caste déterminent largement son positionnement dans les négociations. Après le mariage, la place de la femme dans sa nouvelle famille dépend du rang de son époux au sein de celle-ci. Dans les zones rurales, les mariages se font souvent entre villages voisins, tandis que les Indiens de la diaspora reviennent fréquemment au pays pour trouver un conjoint selon les traditions.
Une fois le contrat matrimonial conclu, un astrologue détermine une date propice pour la cérémonie, qui peut être fastueuse selon les moyens des familles. Le mariage est une occasion pour les familles de réunir leur communauté et d’affirmer leur statut social, avec des invités pouvant dépasser la centaine et des festivités s’étendant sur plusieurs jours. La virginité de la mariée reste, dans les milieux traditionnels, une condition importante, bien que son contrôle formel soit rare et controversé.
Le rituel central du mariage hindou, relativement court, est empreint de symbolisme. Le père de la mariée proclame qu’il offre sa fille (kanya) à la famille du marié, un acte sacré considéré comme le don le plus important de sa vie (kanya dan). Le marié prend ensuite la main droite de la mariée et, ensemble, ils effectuent sept tours autour d’un feu sacré (saptapadi), chaque tour symbolisant une bénédiction : nourriture, force, prospérité, bonheur, enfants, santé et dévotion. Les vœux, souvent récités en sanskrit, expriment l’engagement des époux à être partenaires et amis pour la vie. Ce rituel, en présence du dieu du feu (Agni), sanctifie l’union, la rendant indissoluble dans la tradition hindoue.
La dot (paiement pour le marié)
constitue une pratique quasi universelle en Inde et s’exerce à l'échelle de toutes les castes et classes sociales, à l'exception de quelques familles occidentalisées ou éduquées dans les villes. Plus la famille du mari est influente dans la caste, plus le métier du mari est prestigieux et plus la dot demandée sera élevée. Un aîné vaut plus que ses frères, un veuf ou une personne handicapée devra consentir à des rabais à moins d'être riche. La dot se paie rarement en argent direct, mais plutôt sous forme de cadeaux (motocyclettes, réfrigérateurs, voitures, etc.). Les montants à débourser par la famille de la mariée vont de quelques milliers de roupies chez les intouchables (appelés castes répertoriés ou Dalits) des castes les plus basses à des millions de roupies chez les riches.
Il arrive qu'il y ait escalade dans la demande de la dot après la cérémonie. Lorsque la famille de la mariée ne peut plus répondre à cette demande, sa belle-famille pourra alors s'en prendre à la jeune épouse en la brûlant vivante ou en l'empoisonnant. Ces crimes ne sont pas que de rares exceptions commises par des illettrés ou familles dans des villages reculés.
Selon le NCRB, en 2021, environ 6 589 cas de morts par dot ont été enregistrés en Inde. Ce chiffre ne représentent qu'une partie de la réalité. Comme ces crimes sont commis à l'intérieur de la famille, il n'y a pas de témoins, et la famille les présentera comme des suicides ou des accidents avec un four à kérosène. Il est très difficile pour la police de démontrer la culpabilité des meurtriers, généralement la belle-famille et la
belle-mère, qui échappent le
plus souvent à une arrestation. Plusieurs groupes de femmes en Inde
militent activement contre ces violences en rendant public le nom des
familles coupables quand celles-ci réussissent à passer entre les
mailles de la justice.
Après son mariage, la jeune épouse quitte la maison de ses parents pour s’installer dans celle de son mari, un moment souvent marqué par une profonde difficulté émotionnelle. Dans de nombreux cas, elle connaît à peine son époux, les mariages arrangés impliquant parfois une première rencontre peu avant la cérémonie. Elle doit s’adapter à l’autorité de sa belle-mère, qui peut être stricte voire, dans certains cas, abusive, ainsi qu’aux relations parfois tendues avec ses belles-sœurs. L’attente principale à son égard est de donner naissance à des fils, un rôle perçu non comme un choix, mais comme une obligation culturelle et sociale.
En cas d’infertilité, la femme peut être confrontée à des conséquences graves, bien que les pratiques varient selon les régions et les époques. Historiquement, dans certains milieux traditionalistes, un mari pouvait être autorisé par la communauté à prendre une seconde épouse si la première ne pouvait enfanter. Cependant, cette pratique est aujourd’hui rare et illégale dans le cadre des lois hindoues modernes. Une femme infertile peut être marginalisée au sein du foyer, reléguée à des tâches subalternes, ou, dans de rares cas extrêmes, renvoyée chez ses parents, ce qui représente une grande honte sociale. Dans certains villages, l’infertilité est encore associée à des superstitions, comme le "mauvais œil", et la nourriture préparée par une femme infertile peut être considérée comme impure. Bien que moins fréquentes aujourd’hui, ces croyances peuvent entraîner des discriminations ou, dans des cas extrêmes, des sévices, souvent de la part de la belle-mère ou d’autres membres de la famille. Ces pratiques, toutefois, sont en déclin, notamment dans les zones urbaines et parmi les populations éduquées, où les attitudes envers l’infertilité évoluent grâce à une meilleure sensibilisation et à l’accès aux soins médicaux.
Salle de mariage
photo Zen